Association Marseillaise d'AStronomie

Les exoplanètes, d'autres mondes...

Claire Moutou (LAM, novembre 2004)

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Introduction
Jusqu'à récemment, le système solaire était unique ; nous ne connaissions pas d'autre étoile que le Soleil qui soit entourée d'un cortège de planètes, à cause de la difficulté de détecter la présence de ces planètes. C'est pour la première fois en 1995 qu'une équipe suisse, dirigée par Michel Mayor, a mis en évidence la présence d'une planète semblable à Jupiter autour de l'étoile 51 de la constellation de Pégase (planète dénommée 51 Pégase b). Cette première planète « extrasolaire » surprenait pour la courte distance qui la sépare de son étoile : à peine 5% de la distance entre la Terre et le Soleil. Depuis, plus de 130 planètes extrasolaires ont été découvertes et notre vision de ces mondes extérieurs a profondément évolué. Dans cet article, nous ferons le tour des connaissances acquises presque 10 ans après la découverte de 51 Pégase b, et nous visiterons les idées et projets qui permettront, à plus long terme, de découvrir des planètes semblables à la Terre... si elles existent.
51 Pégase b
Figure 1 : Une vue d'artiste de la planète extrasolaire 51 Pégase b, depuis sa Lune...
Les méthodes utilisées
Les techniques utilisées à ce jour pour l'observation des planètes extrasolaires sont presque toutes indirectes. C'est-à-dire qu'elles s'attachent à mesurer et analyser des particularités de l'étoile, mettant en évidence la présence d'une planète. Nous décrirons ici plus en détail les deux méthodes principales, appelées « vélocimétrie » et « transit ».

La vélocimétrie est basée sur la mesure du mouvement d'une étoile le long de la ligne de visée, mouvement que l'on peut estimer précisément en observant la décomposition de sa lumière en longueurs d'onde (le « spectre » de l'étoile). Lorsqu'une planète tourne autour de l'étoile, c'est en fait l'étoile et la planète qui tournent autour de leur centre de gravité (voir figure 2); les sytèmes étoile-planète ont été décrits par les lois de Kepler1 au 17ème siècle. L'étoile parait donc s'approcher et s'éloigner périodiquement, avec une amplitude qui dépend du rapport des masses des deux corps et de la distance les séparant. Ce mouvement induit un décalage infime du spectre de l'étoile, vers le rouge quand elle s'éloigne de l'observateur, et vers le bleu lorsqu'elle s'en rapproche2. On mesure, en fonction du temps, la vitesse radiale de l'étoile, donc la vitesse de son oscillation sur la ligne observateur-étoile.

système étoile-planète
Figure 2 : Dans un système étoile-planète, les deux corps tournent autour de leur centre de gravité, situé légèrement en dehors du centre de l'étoile ; celle-ci paraît donc s'éloigner et se rapprocher, avec la même périodicité que le mouvement de révolution de la planète.
La vélocimétrie est une technique bien maîtrisée depuis plus de 20 ans. Si elle était d'abord utilisée pour découvrir les étoiles doubles, ayant gagné en précision, elle permet maintenant de détecter une fluctuation de vitesse radiale due à un compagnon planétaire d'une dizaine de masses terrestres seulement. Ces variations sont d'autant plus importantes que la planète est proche de l'étoile, et qu'elle est massive. Ceci explique que l'on ait d'abord découvert des planètes géantes à courte période, comme 51 Pégase b qui accomplit son orbite en seulement 4,2 jours. Une mesure de la masse est donc possible à partir de la courbe de vitesse radiale, ainsi que l'estimation des paramètres orbitaux de la planète. En fait, c'est seulement pour les systèmes planétaires vus par la tranche que la masse mesurée est la masse réelle de la planète. Sinon, on mesure une valeur inférieure de cette masse et il faudrait connaître l'inclinaison de l'orbite pour lever l'indétermination (figure 3). Enfin, cette méthode s'applique de façon favorable à un certain type d'étoiles, à savoir des étoiles assez semblables au soleil (il faut que leur spectre contienne beaucoup de raies d'absorption), et assez brillantes pour que leur spectre puisse être précisément mesuré ; on peut sonder avec les instruments les plus récents les étoiles jusqu'à environ 200 années-lumière.
Variation vitesse radiale complètement due à la planète
La variation de vitesse complètement due à la planète observée
Partiellement observée, valeur inférieure à la masse
Elle est partiellement observée, valeur inférieure de la masse
Plus décelable
Elle n'est plus décelable
Figure 3 : les effets de l'inclinaison orbitale sur la mesure de vitesse radiale
La méthode des vitesses radiales a permis de découvrir à ce jour environ 130 planètes extrasolaires, c'est-à-dire quasiment la totalité des planètes connues. Nous verrons leurs caractéristiques dans le chapitre suivant.
courbe de vitesses radiales de 51 Pégase b le télescope de 193cm de l'Observatoire de Haute Provence
Figure 4 : A gauche, la courbe de vitesses radiales de 51 Pégase b ; l'axe horizontal correspond au temps, et l'axe vertical est la mesure de la vitesse de l'étoile sur la ligne de visée observateur-étoile. A droite, le télescope de 193cm de l'Observatoire de Haute Provence, auquel on doit la découverte de la première exoplanète (Mayor et Queloz 1995).
Note 1
Les 3 lois de Kepler décrivent le mouvement des planètes sous la forme d'ellipses, et établissent la relation entre la période orbitale et la distance étoile-planète.
Note 2
C'est l'effet Doppler, que l'on observe aussi au passage d'une sirène : le son émis est plus aigu quand la sirène s'approche, et plus grave quand elle s'éloigne.